A ce moment-là...
Joli brin de plume, capable à coup sûr de séduire le lecteur-auditeur, et de l’amener à goûter le plaisir d’être acteur. Félicitations !
Mais au jeu du qui dit vrai, qui dit faux, moi, pardonnez-moi, je m’inscris en faux... et je veux être celui qui ouvre le rideau ! Parce que c’est à ce moment-là que ça se passe. C’est à ce moment-là que la magie opère. C’est à ce moment-là que ce qui était vrai, devient faux. Et que ce qui était faux, devient vrai.
Réfléchissons ensemble. Juste avant qu’on n’ouvre le rideau, les gens pensent qu’ils sont dans le vrai. Dans la vraie vie. Les spectateurs d’un côté, avec leurs soucis professionnels, leurs ennuis de famille, le téléphone à éteindre alors que les enfants n’ont pas encore appelé ! Les comédiens de l’autre, avec leurs costumes, leur lumière, leur texte encore incertain, leur position mal réglée sur scène. Et ce foutu trac, qui sèche la gorge et qui noue l’estomac. Ils n’ont pas tort, il n’y a pas plus vrai.
Mais alors pourquoi est-ce qu’ils jettent tout ça par-dessus l’épaule, dès que le rideau s’ouvre ? Pourquoi est-ce que, spectateurs, ils s’accrochent subitement aux regards et aux lèvres des acteurs ? Pourquoi est-ce que, acteurs, ils guettent la réaction, le rire ou le silence ému, des auditeurs dans la salle ? Il y a une bonne raison à cela. Ils sont à ce moment-là, et à ce moment-là seulement, dans la relation d’homme à homme, [pardon mesdames] de personne à personne. Dans l'émotion. Avec tout ce qu’elle a de radical et d’incertain. A la fois impérative, et tellement fragile. Un mot de travers, un regard oublié, elle est perdue. Une main tendue, un accent bien posé : elle est palpable, et bien vivante. C’est un va-et-vient permanent, pendant toute la durée du spectacle. Avec des répits et des temps forts. Il n’y a qu’un mot pour dire ce moment-là : c’est un mystère. Et il n’y rien de plus vrai… qu’un mystère.
Alors je le redis. Je ne veux être ni d’un côté ni de l’autre. Je veux être celui qui ouvre le rideau ! D’ailleurs, c’est ce que je fais. Avec mon appareil numérique et mon crayon. Pour raconter le mystère, à ceux qui n’ont pas pu venir… à ce moment-là !
Bravo,
amitiés à tous, et bonne préparation du Festival !
Etienne Desfontaines - journaliste de la Voix du Nord - avec tous nos chaleureux remerciements